Le jour de mes funérailles je donnerai ma dernière représentation. En exclusivité.
À bien réfléchir, la mort sera la seule fin de notre histoire. Viendra-t-elle la nuit ou en plein jour ? À l’improviste ou après quelques jours de flottement ? Signes avant-coureurs qui montrent qu’elle a déjà trouvé le chemin et m’observe de loin : migraines répétitives, douleurs musculaires, estomac et intestins qui rouspètent, malaises, étourdissements de l’esprit, l’ouïe qui descend, qui descend, et ne remonte plus… la mort se languit, la grande faucheuse, toute de noire vêtue, me traque déjà, c’est certain, pour, d’un seul coup de faux, m’envoyer au royaume de la nuit perpétuelle. Ad patres.
Eh bien, elle attendra. Je ne suis pas encore prêt à la suivre. Je lutterai jusqu’à mon dernier souffle, qu’elle se le tienne pour dit.
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Le jour de mes funérailles j’inviterai tous mes amis : poètes et écrivains, cinéastes et comédiens, peintres et autres…
Ils seront tous là, en ce moment particulier. Le nœud à la gorge. Les mouchoirs humides
Ils seront tous là pour l’éloge funèbre, l’ultime frémissement de ma désormais non-vie.
Ils seront là à claironner, à l’âme éteinte, haut et fort quel type extraordinaire j’étais, à vanter les mérites de mon esprit, de mon intelligence, de mon altruisme, de ma gentillesse et de mon abnégation. Quelle perte pour l’humanité ! C’est la coutume. Il faut respecter les traditions.
Ils seront là, enfin, à honorer la cérémonie. En leurs titres et qualités. Ils viendront pousser l’audace de leur savoir-faire. Quelques lectures de poèmes, dernières paroles pour l’éternité, non pas de cette poésie des intellectuels, absconse et élitiste…. Mais un chant accessible à tous, poèmes accompagnés de quelques chants et fragments musicaux, bons pour mon âme...
Après l’encens, et pendant que l’on vienne s’incliner en m’aspergeant avec le goupillon, j’aimerais, je quémanderais plutôt, le sublime Ave Verum de Mozart… ou plutôt non, je l’ai eu à mes noces, cela ne m’a pas porté chance… plutôt l’insaisissable adagio du concerto pour piano N° 23 de Mozart, œuvre limpide à la force émotionnelle unanimement appréciée et qui adopte un rythme de sicilienne. Et une dernière écoute de Gianmaria Testa : seminatori di grano ou lasciami andare – choix cornélien - Pourquoi pas les deux ? - tant la musique et la poésie de Gianmaria nous transportent dans la joie, le plaisir. Sa voix caresse la mélodie, ses mots chatouillent notre âme…
Et, si vraiment vous exigez une épitaphe, si réellement vous la réclamez ou l’imposez sous la contrainte, si vous menacez, écrivez seulement : soyez indulgents, il a fait ce qu’il a pu.